Le petit poste de Guentis
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On arrivait à Guentis par une piste étroite et poussiéreuse, empruntée à intervalles généralement réguliers par le convoi et moins souvent par les convois opérationnels.
Le jour du convoi était, pour le petit poste, jour de fête. C'était, d'abord, jour de courrier et jour de visite. Les montants avaient des tas de choses à raconter : ceux qui revenaient de permission donnaient des nouvelles de la belle Alsace, ou de la douce Touraine, ou ouvraient la bouteille rapportée de là-bas pour les copains ; ceux dont la fonction privilégiée d'itinérants permettait de rouler sur les routes goudronnées racontaient le dernier film programmé à Tébessa ou décrivaient la dernière recrue de la maison Caracalla ...
Chez les sous-officiers et chez les officiers, l'ambiance n'était pas moins bonne...
Ce jour-là, les corvées se faisaient dans la joie, y compris la cuisine, et il était amusant de voir l'ardeur des cuistots à monter une mayonnaise en versant l'huile à la louche dans une mar­mite. Puis, le soir, c'était le départ. Le petit poste suivait à la jumelle la marche du convoi, et dès que, là-bas, au nord, disparaissaient les camions, et même la poussière, une grande tristesse tombait sur Guentis, et plus d'un s'est surpris à avoir le coeur serré...

A l'arrivée, le courrier était, sauf conditions météorologiques très défavorables, assez régulier. En effet les T-6 basés à Tébessa n'omettaient jamais lorsqu'ils partaient en mission dans la région, de prendre le courrier des postes isolés; Guentis était de ceux-là. Les T-6 surgissaient de derrière la montagne, prenaient le contact radio, puis larguaient les sacs si attendus. Un jour, le sac postal arriva par la porte, dans la pièce du radio-vaguemestre, Lemaire, un chtimi. de Seclin. Nul n'a jamais su si cette visée exemplaire avait été ou non calculée.
Seuls les conserves, le vin et l'essence arrivaient par le convoi de Tébessa et Chéria ; le reste du ravitaillement parvenait de Constantine par air et était parachuté au-dessus de la piste. Les Noratlas ne pouvaient pas, en effet, atterrir sur la piste, trop courte à cette époque. Le passage du Nord était suivi par l'opération de récupération du matériel et le pliage des parachutes.
Les incidents de parachutage étaient relativement rares. Une fois, pourtant, un parachute ne s'ouvrit qu'à quelques mètres du sol. On était à quelques jours de Noël et ces caisses contenaient des dindes vivantes ; émotion, sans doute, ces volatiles refusèrent de manger pendant plusieurs jours.

Les rapports avec la population du douar étaient cordiaux. Le poste recevait quotidiennement la visite d'Ali, l'un des notables du village, qui portait fort élégamment une superbe barbe blanche.Toujours propre, bien habillé, poli, correct, Ali aimait la France et arborait fièrement ses décorations ainsi d'ailleurs que la croix de la valeur militaire, qui lui fut remise solennellement devant la compagnie réunie.
Un de nos rappelés avait été désigné comme instituteur, et parfois permettait à la meilleure élève du jour de l'accompagner jusqu'au poste. C'était bien souvent le tour de Jackia. Sa mère vivait avec peu et Jackia savait qu'elle trouverait, au poste, de quoi manger et même plus. Elle ne repartait jamais sans bonbons ni chocolats.
L'assistance médicale gratuite était de plus en plus active sous la direction du médecin lieutenant Desmet, puis de l'aspirant Semama. Il est certain que l'action des médecins et leur grand dévouement ont été, partout en Algérie, bénéfiques. C'est grâce à eux que le contact avec les populations locales n'a jamais été perdu.

Les distractions étaient rares.
Le convoi (ou quelquefois les liaisons aériennes) apportaient un ou deux films, qui étaient projetés le soir même et le lendemain. Il y avait la radio, les disques et... les amusements hors série.
C'est ainsi que, peu après la crue, une pêche fut organisée dans l'oued. Pêche originale, au filet, shorts retroussés. Comme filets, on avait pris... des moustiquaires. Ce fut une pêche miraculeuse et le poisson permit à deux reprises d'améliorer l'ordinaire.
Selon le temps ou les circonstances, des concours de tir étaient organisés sur cibles ou sur bouteilles, mais aussi sur animaux. On chassait le rat goundi et la khanga. Le rat goundi est un petit mammifère rongeur qui ressemble au cochon d'Inde et vit dans les rochers. Il ne se nourrit que d'herbes et sa chair est estimée et savoureuse. La khanga est une perdrix mais aux pattes plus longues que nos perdrix de France.

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